Aujourd’hui, Gaétan Lecire nous livre sa vision du Haut Potentiel Intellectuel par le biais de l’interview “Ma douance du tac au tac”. Merci Gaétan ! Il est Formateur en Audiovisuel en Université, Photographe-portraitiste professionnel et Hypnothérapeute. Il vit actuellement à Auray, en France.
.SI JE POUVAIS CHOISIR, SERAIS-JE SURDOUÉ·E?
Si cela voulait dire : se sentir moins décalé pendant la moitié de ma vie (une 40 aines d’années), alors peut-être non 🙂
Si c’est ressentir à quel point je peux être « large » dans mes connaissances et centres d’intérêt, à quel point je peux être ceci ET cela, à quel point je peux avoir des ressources surprenantes, avoir un fond qui est doux, joyeux et qui trouve des compagnons de partage aussi pétillants que moi, alors sans doute oui 🙂
.CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E POUR MOI
Un esprit qui peut vite partir « en ébullition », un besoin d’avoir du sens, une recherche de conscience/compréhension. Souvent de la créativité, le plaisir de faire/dire des choses « gratuites » juste pour l’envie. Le besoin d’avoir des portes de sorties.
Parfois un esprit qui complique beaucoup les choses, car il aime jouer avec tout un tas de connaissances qu’il voudrait imbriquer pour construire. Le plaisir de créer avec d’autres. Avoir à la fois le besoin d’être sociable et en même temps, parfois le besoin de solitude.
Chercher le plaisir de l’intensité des sensations, rechercher la connexion profonde et sincère aux autres. La recherche d’équilibre dans les échanges.
.SI JE DEVAIS CHOISIR UNE IMAGE OU UN MOT CLÉ QUI RÉSUME CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E
Des ailes qui auraient envie de se déployer dans mon dos pour flotter confortablement dans les airs et voir d’en haut ce qui se passe sur terre…
.DEPUIS COMBIEN DE TEMPS JE LE SAIS
3 ans
.PAR QUELLES PHASES JE SUIS PASSÉ·E DEPUIS LA DÉCOUVERTE
Abasourdi, douteux, puis curieux et maintenant plus « acteur ».
.COMMENT JE L’EXPLIQUE À UNE PERSONNE QUI N’EN A JAMAIS ENTENDU PARLER
C’est une façon d’être au monde qui peut être un peu différente de la tienne. Cela existe, tu peux ne pas le comprendre/concevoir et ce n’est pas grave.
Je te demande juste d’accepter que cela puisse être, tout comme je t’accepte dans ta diversité/altérité. Ne m’impose pas tes vérités, doute des miennes. Et faisons un bout de discussion et de chemin ensemble, si tu le veux aussi.
Je vais peut-être parfois deviner des choses de toi ou à venir, je vais parfois peut-être rire plus vite ou plus fort que toi. Mais cela ne m’empêchera pas de t’aimer, avec fraternité ou avec désir.
.LA REMARQUE QUI M’A LE PLUS SCOTCHÉ LORSQUE J’EN AI PARLÉ
« Oh ne me parle pas de ça ! Déjà l’autre jour y’avait la voisine qui n’arrêtait pas de dire qu’elle était hypersensible parce qu’elle était « zèbre » » (avec une expression dégoût).
.EN QUOI CELA A CHANGÉ MA VIE (DE LE SAVOIR)
M’autoriser plus mes élans « venus de nulle part » et limiter l’intérêt et l’impact des jugements négatifs d’autrui si je ne suis « pas comme » ou étonnant.
Beaucoup moins me justifier. Beaucoup moins me culpabiliser de ne pas « faire comme tout le monde ».
Ne pas me juger « dissipé » mais en réalité « complet » car multi-facettes.
Et j’ai l’impression que moins, je me juge (ce qui est un travail, en conscience), moins je juge aussi les autres. Ce qui amène plus d’apaisement et plus de compréhension, voir tout simplement accepter de « s’en foutre ».
.CE QUE JE M’AUTORISE DEPUIS
À penser à voix haute devant autrui.
À moins remettre en question mes idées ou opinions.
À moins « passer en dernier ».
À plus me faire confiance dans mes jugements, même si je ne sais pas exactement comment j’en arrive à la conclusion.
À moins attendre « plus tard ».
À accepter que j’aie des besoins. Qu’ils sont importants et que je peux les annoncer clairement.
À accepter que l’on me dise non, comme on peut me dire oui.
À me foutre la paix bien plus souvent.
À écouter mes changements d’avis/d’envie (même si je ne les applique par systématique pour autant, pour le moment en tout cas…). Mais, déjà, je les conscientise ! C’est un beau progrès.
À changer de point de vue, changer de lunettes pour regarder les situations du quotidien.
.CE QUE CELA SUSCITE CHEZ LES AUTRES LORSQUE J’EN PARLE
Avant parfois de l’incompréhension, moqueries ou autres formes blessantes.
Désormais, plutôt un retour positif lié à une certaine forme posture, plus assumée, confiante. Des propos sans doute plus affirmés, avec beaucoup moins l’envie de chercher à convaincre. À prendre ou à laisser, et ce n’est pas grave, next ! 🙂
Je vois maintenant que quand je « lâche » des phrases avec mon énergie/enfant intérieur, je peux contacter l’enfant intérieur de mon interlocuteur, les yeux changent alors et pétillent. La relation part alors plus dans le jugement, mais dans le jeu.
.CE QUI M’ÉNERVE DANS LA DOUANCE
La perte d’une certaine naïveté que d’autres ont gardée (même si notre capacité d’espoir/résilience est peut-être plus développée que pour d’autres).
La parfois « trop grande lucidité » (plutôt pessimiste) sur les enjeux ou l’avenir, amenant facilement à de possibles crises d’anxiété
Un, sans doute trop grand, sentiment de loyauté qui m’a fait souvent passer après les autres.
.CE QUE J’AIMERAIS METTRE EN AVANT DE LA DOUANCE
La joie d’enfin se trouver. Le plaisir de découvrir des chemins pour enfin se comprendre et plus culpabiliser. La joie d’enfin se sentir moins seul car, en réalité, il y a d’autres personnes (discrètes) dans notre entourage qui partagent nos affectes ! Le plaisir de faire de la place pour mieux se rapprocher de personnes partageant nos valeurs.
Cette force de réactivité, cet esprit gourmand de l’expérience de soi, et des autres, cette curiosité qui aide à vouloir continuer le chemin de la vie. Cette étonnante créativité qui surgit parfois quand on ne s’y attend pas, cette capacité à se passionner pour des sujets qui « ne sont pas les nôtres » et pouvoir rivaliser une fois travaillé, avec l’aide de notre bon sens et regard distancié.
Cette envie d’être dans l’accompagnement des autres, si on les aime toujours. Ces shoots d’adrénaline et d’endorphine quand tout « est up ».
.CE QUI EST LE PLUS DIFFICILE PERSONNELLEMENT
Les « downs » qui viennent après les up (la pluie après le soleil, pour mieux apprécier le soleil). L’anxiété d’un avenir perçu et regardé. La sensation de vulnérabilité car « nous ne sommes que des humains ».
La capacité de notre esprit de regard du côté de la finitude, de la vacuité de tous les efforts produits.
L’impression de ne pas assez « oser », de ne pas prendre de décision/choix, d’avancer confiant. L’ennui. La lecture des jeux de pouvoirs, des jeux sociaux parfois tellement prévisibles/répétitifs et vides de sens. Le manque d’une naïveté enfantine qui gommerait ce qui est moche.
.CE QUE J’ADORE PERSONNELLEMENT
J’adore celui ou celle que je ne connais pas encore et avec qui pourra se produire « des étincelles ». J’appelle cela « foisonner » comme quand on injecte de l’air dans une glace pour la faire prendre du volume et de la légèreté. C’est ce que je peux ressentir dans certaines conversations et que nos échanges « foisonnent ». Grand plaisir ressenti à être et co-créer.
.L’OUTIL OU LA PRATIQUE BIEN-ÊTRE QUI M’AIDE LE PLUS
Être écouté, sans jugement, sans conseil particulier. Juste être à mes côtés dans les moments où j’ai besoin d’être épaulé et où la sensation de solitude me (ré-) envahie.
.UNE REPRÉSENTATION QUE JE VEUX BATTRE EN BRÈCHE
Que l’on est « meilleur » que les autres dans les études et qu’il n’y aurait pas besoin de faire « d’efforts » ou de « travailler » pour réussir quelque chose.
Nous sommes bons pour agglomérer ensemble des savoirs, mais la phase laborieuse d’accumulation de ceux-ci existe ! Encore faut-il que le sujet nous plaise ! Nous pouvons être intransigeants si le sujet nous semble sans intérêt.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX SURDOUÉ·ES
Coucou ! Bonjour vous ! (Avec un grand sourire) (une nouvelle personne = de nouveaux potentiels, personnellement cela me met en joie).
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX PERSONNES NON CONCERNÉES
Il n’y a pas votre vérité mais des vérités. On peut lâcher notre vérité sans s’écrouler pour autant.
.CE QUE JE RECOMMANDE À UNE PERSONNE QUI S’INTERROGE
Se poser la question c’est, selon moi, déjà être en chemin vers une recherche d’une compréhension plus juste de soi.
Cela tend vers la recherche du sens de ce que l’on a déjà vécu et sans doute la possibilité à terme d’être plus doux avec soi en comprenant mieux sa manière de « processer ».
.L’ERREUR À NE PAS COMMETTRE POUR UN·E SURDOUÉ·E
Le hurler sur tous les toits auprès des neurotypiques « je suis un zèbre, prenez soin de mon atypie !! ». Je pense qu’il faut se forger une belle place d’acteur et non pas se présenter comme « victime » de son atypie et ses effets.
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PROFESSIONNELLE
Beaucoup quittent les schémas d’entreprises très hiérarchisées. Une façon de survivre en quittant l’injustice de certaines décisions hiérarchiques mal vécues, ou la perte de sens des « bullshit job ». Souvent, les personnes se mettent alors à leur compte.
Cela me paraît un chemin de paix avec soi pour limiter les situations subies d’injustice et de violence verbales liées aux interactions au sein des entreprises et des jeux de pouvoir/mal-être des salariés.
.UN LIVRE À LIRE SUR LE SUJET
« Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué » de Jeanne Siaud-Facchin.
Je ne dis pas que c’est le meilleur, mais c’est le premier que l’on m’a offert sur le sujet et qui m’a fait revivre ma vie et mes questionnements de page en page.
Stupéfait à sa lecture, avec le doute, mais trop de coïncidences dans les exemples, je mettais sans le savoir les pieds dans une « nouvelle prairie ».
J’ai vraiment eu l’impression de trouver LE morceau de puzzle qui me manquait pour rejoindre les deux parties de ciel que j’avais déjà composé, avec la phrase « mais je le savais bien ! C’est bien un ciel bleu que cela représente le haut de ce puzzle !!). Depuis je continue de constituer le reste du puzzle, sous ce ciel complété ! 🙂
.MON AVIS SUR LE TEST DE QI WAIS
J’ai passé le test il y a 6 mois. Après avoir hésité un certain nombre de mois, je voulais avoir la certitude de ne pas « me raconter d’histoires ».
J’ai donc franchi la porte d’un neuropsychiatre pour passer le test WAIS IV. Je me suis dit que je m’offrais mon cadeau de Noël !
Je dirais que le test vient mesurer certaines caractéristiques des personnes en termes d’intelligence, principalement dans les sphères logiques. Si on part du principe qu’ils existent aussi l’intelligence émotionnelle, kinétique ou encore instinctive, ces dimensions, plus subjectives, ne sont pas dans le spectre du test qui est plutôt axé performatif.
.EST CE UN GÂCHIS DE NE PAS SE SAVOIR SURDOUÉ·E ?
Si on part du postulat que ne pas le savoir entraine souvent le doute et la sclérose de son identité de peur « de déplaire », « trop en faire » ou « prendre trop de place », ce qui ressort souvent des témoignages, alors oui cela peut être regardé comme un « gâchis » de ne pas le savoir.
Il est, de mon point de vue, plus judicieux travailler en conscience à s’assumer avec ses différentes facettes, de la part de lumière exaltée jusqu’à la part à l’ombre solitaire.
Comprendre que nous pouvons être l’un ET l’autre suivant les moments.
Ce n’est pas que l’on a un « désordre » psychiatrique, c’est juste que l’on a une grande envergure, une latitude plus étendue que d’autres fonctionnements psychiques.
Le besoin d’intensité, celui de comprendre, de savoir « pourquoi je suis là ». L’envie souvent de découvrir ou partager de nouvelles choses, de regarder la mort « en face » : non pas comme un concept abstrait mais comme une réalité de tout à chacun. Autant de caractéristiques qui me font penser à la douance.
Non pas qu’elles n’existent pas chez les « neurotypiques », mais elles se retrouvent souvent condensées chez les « atypiques », avec souvent une difficulté à expliquer à autrui ces attraits, nos réflexions intimes, ces élans presque « vitaux » de recherche de sens.
La phrase que j’ai pu entendre souvent : « mais pourquoi tu penses à ça »…Mais qu’est-ce que j’en sais moi ?! Je suis ainsi, c’est tout !
.QUAND JE CROISE UN·E AUTRE SURDOUÉ·E, JE LE RECONNAIS ? A QUOI ?
Après avoir été « confirmé » HPI par le test, je me suis rendu compte à quel point dans les phrases « banales » de conversation on peut voir émerger nos sujets de prédilections.
En se détachant un peu de la recherche de « répondre du tac au tac », on peut alors détecter des sujets/ mots « clefs » : les problèmes avec « l’injustice », « la hiérarchie », les autres me trouvent « bizarre », je « m’ennuie » vite, je suis « curieux/se », je ne « comprends » pas pourquoi, cela n’a pas « de sens », on m’a toujours trouvé plus mature que mon âge, j’ai l’impression que je m’embête pour rien, je ne peux pas faire autrement, car je suis trop perfectionniste…
Le tout souvent avec un vocabulaire assez élaboré ou une culture large. Le rapport à « l’anxiété » aussi revient souvent (avec utilisation de ce mot, précisément). La notion de solitude connue jeune, souvent aussi. Parfois un plaisir de jouer avec les mots.
Désormais, en faisant attention à ce champ (chant :)) lexical, je me retrouve à « reconnaître » des atypiques qui parlent d’eux, alors que quelques années en arrière, je n’avais pas « capté » ces sujets assez récurrents caractéristiques chez les surdoués. Ce qui n’exclut pas évidemment qu’ils existent aussi chez les neurotypiques. Mais, l’accumulation est pour moi un indicateur à écouter (et qui s’est vérifié en osant poser, à un moment de la conversation, la question « tu ne serais pas hpi, toi ? »).
Et puis « de comme par hasard » on ne discute pas 20 minutes et on n’est pas attiré par des gens « totalement » différents de notre propre structure « cortiquée » 🙂
.QU’EST CE QUI RASSEMBLE LES SURDOUÉ·E·S ?
La curiosité, la recherche de sens, une certaine envie de justice, l’envie de comprendre par eux-mêmes, plutôt une recherche de douceur dans leurs relations, l’envie de se sentir « en vie / envie ».
Du mal à lâcher prise, à se vider la tête, parfois à être dans le temps présent, à ne pas être dissocié, parfois du mal à être pleinement « dans le corps ». Et, en même temps, ce plaisir à se sentir vivant, à cogiter à toute vitesse, à relever des défis, à partager des moments d’intensité.
.UN SOUHAIT POUR L’AVENIR
Que ne soit pas utilisé les caractéristiques des HPI pour mieux « les exploiter en entreprises », mais pour mieux accepter la diversité des profils humains.
Que l’on passe d’une pensée unique, légende unitaire sociale, à l’acceptation de vérités multiples qui peuvent cohabiter, voir la vie de façon diverse, de liberté de s’exprimer, de plus d’entraide, et la valeur humaine en tant qu’élément central de nos activités plutôt que le cumul de ressources.
Qui a dit que « ce n’était pas gagné » ??…Ah ben moi ! 🙂
.UNE INTUITION SUR LE SUJET
Je me pose la question de savoir dans quelle mesure les caractéristiques liées au HPI, qui pourraient selon certains être transmises de façon héréditaire, ne seraient seulement « activées » que lorsque des traumas sont ressentis dans le jeune âge de la personne.
Ces caractéristiques activées/développées/investies venant l’aider à survivre ou chercher du sens à/aux situation(s) vécue(s). Si je ne me trompe pas, cela rentre dans le champ de l’épigénétique.
Les capacités de plasticité cérébrale HPI/THPI seraient alors des ressources bien plus communes que la représentativité des HPI/THPI dans la population globale. Simplement elles ne seraient pas systématiquement investies/déployée/sollicitées/catalysées chez chacun/chacune, en fonction des expériences de vie durant l’enfance.
Enquête à suivre…
.LA QUESTION QUI MANQUE, À LAQUELLE J’AURAIS AIMÉ RÉPONDRE SUR LE SUJET?
Est-ce que tu t’aimes ?
Maintenant oui ! Beaucoup plus qu’avant de savoir que ce que je vivais/j’étais/m’intéressais était en fait « normal » mais simplement pas si « commun » et partagé en population globale que cela ! Sacrée découverte !