Aujourd’hui, Élodie Crépel nous livre sa vision du Haut Potentiel Intellectuel par le biais de l’interview “Ma douance du tac au tac”. Merci Élodie ! Elle est thérapeute, médiatrice, autrice et formatrice sur les atypies. Elle vit actuellement en Écosse.
NB : J’ai eu le plaisir d’interviewer également son mari, Alexis, que tu peux découvrir en cliquant ICI.
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.SI JE POUVAIS CHOISIR, SERAIS-JE SURDOUÉ·E?
Totalement mais sûrement parce que je n’imagine pas les choses autrement.
.CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E POUR MOI
Une capacité à percevoir l’imperceptible, le potentiel de se transcender pour apporter sa différence au monde, la possibilité de faire de belles choses… après ça reste bien subjectif et absolument pas une obligation.
.SI JE DEVAIS CHOISIR UNE IMAGE OU UN MOT CLÉ QUI RÉSUME CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E
Oula bonne question, là comme ça j’ai l’image d’un couteau suisse, d’une galaxie, d’un ordinateur avec plusieurs RAM, d’un casse-tête… de beaucoup de choses en fait ! De tout ça et de rien à la fois, où finalement je dirais « un continuum », de quoi et où il va je ne saurais dire, mais c’est ce qui fait aussi toute la beauté de la douance, non ?
.DEPUIS COMBIEN DE TEMPS JE LE SAIS
Je l’ai su à 22 ans il me semble, mais au final je crois que je l’ai vraiment compris un peu avant mes 30ans… il m’a fallu plus de 6 ans pour admettre que non la psychologue ne s’était pas trompée.
.PAR QUELLES PHASES JE SUIS PASSÉ·E DEPUIS LA DÉCOUVERTE
D’abord le déni (la psy était forcément une incompétente, ou encore une variante : elle voulait certainement me fait plaisir, etc), puis une sorte d’effondrement (« mais je suis qui en fait ? »), de la colère bien sûr (« pourquoi on ne m’a rien dit avant ? », « pourquoi alors je me sens si bête ? » Etc), puis une phase d’acceptation mais avec une sorte de résignation (« bon alors je resterai comme ça toute ma vie, on peut ne rien faire pour moi, on ne peut pas m’aider, finalement ça ne change rien de le savoir… ») et enfin un sorte d’exaltation jemenfoustiste je dirais ! Actuellement je travaille sur ce sujet, et plus mes connaissances s’enrichissent, plus je réalise à quel point c’est passionnant et si hors réalité. Finalement le monde des atypies c’est un peu sortir de la matrice, et faut accepter de prendre la pilule rouge pour pleinement en sortir (ce qui génère bien des complications parfois car on se confronte à un monde qui veut nous maintenir dans une norme neurotypiquement-normée).
.COMMENT JE L’EXPLIQUE À UNE PERSONNE QUI N’EN A JAMAIS ENTENDU PARLER
Cela dépend si je sens que la personne est concernée ou non. Si ce n’est pas le cas je vais rester factuel en lui expliquant ce que c’est et surtout ce que ce n’est pas (notamment arrêter avec le mythe du génie, de la calculatrice mentale, de la mémoire incroyable ou de la personne totalement déprimée qui ne trouve pas sa place). Si c’est une personne potentiellement concernée, je vais davantage me mettre à nu, parler de moi, de mes expériences pour parler de coeur à coeur et voir si lui fait écho.
.LA REMARQUE QUI M’A LE PLUS SCOTCHÉ LORSQUE J’EN AI PARLÉ
Et bien personne n’a été surpris lorsque j’ai pu dire que j’étais surdouée et je crois que c’est ça aussi qui m’a mise en colère : pourquoi je me suis sentie si bête, nulle, à côté de la plaque, pas normale tout ce temps si juste c’était ça la raison sans même qu’on m’en parle ?!
.EN QUOI CELA A CHANGÉ MA VIE (DE LE SAVOIR)
Je crois que ça m’a permis de ne plus me flageller sur ma différence car cette dernière avait enfin un nom. J’étais donc plus sereine et plus confiante pour avancer avec cette nouvelle information.
.CE QUE JE M’AUTORISE DEPUIS
Rien de plus ou rien de moins. Savoir que je suis surdouée a juste été une étape supplémentaire dans la connaissance de moi-même, mais elle n’en a pas été un aboutissement et ne le sera jamais.
.CE QUE CELA SUSCITE CHEZ LES AUTRES LORSQUE J’EN PARLE
Je ne sais pas et je crois que j’en suis un stade où je m’en fou un peu… car que ce soit la douance ou autre chose, les gens projettent beaucoup de choses, et surtout sur les personnes atypiques.
.CE QUI M’ÉNERVE DANS LA DOUANCE
L’effet de mode actuel sur le sujet, qui pousse à la désinformation et à ce que tous les professionnels se tirent dans les pattes pour avoir la primeur du sujet. Tant qu’on ne comprendra pas que c’est un fait social avant tout, et absolument pas un domaine propre à la santé mentale, on ne saisira pas l’utilité de la pluridisciplinarité qui est à mon sens indispensable.
.CE QUE J’AIMERAIS METTRE EN AVANT DE LA DOUANCE
La singularité de tous les surdoués : aucun ne se ressemble vraiment, faut donc arrêter de vouloir cocher des listes à tout prix. On est tous uniques dans nos atypies, colorées elles-mêmes pas par nos expériences, rencontrer, histoire de vie, culture, éducation…
.CE QUI EST LE PLUS DIFFICILE PERSONNELLEMENT
Ce sentiment de rejet parfois qu’on génère chez autrui et qui peut être plus ou moins violent.
.CE QUE J’ADORE PERSONNELLEMENT
Quand je rencontre des homologues, d’un coup ça fait boom dans le coeur, ça chatouille les papillons du ventre et ça excite les neurones du cerveau : une sensation incroyable !
.L’OUTIL OU LA PRATIQUE BIEN-ÊTRE QUI M’AIDE LE PLUS
La puissance de la gratitude.
.UNE REPRÉSENTATION QUE JE VEUX BATTRE EN BRÈCHE
Comme dit précédemment ce côté tout noir tout blanc : le génie d’un côté, la souffrance de l’autre.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX SURDOUÉ·ES
Qu’il n’y a rien de honteux ou d’arrogant de se penser ou de parler de douance. C’est une caractéristique comme tant d’autres, et justement on a besoin que les personnes concernées en parlent en premier !
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX PERSONNES NON CONCERNÉES
D’éviter d’avoir des préjugés sur un sujet qu’ils ne connaissent pas, et d’arrêter de croire tout ce qui se dit la TV (l’idéal : vérifier ses sources).
.CE QUE JE RECOMMANDE À UNE PERSONNE QUI S’INTERROGE
De croiser ses sources lorsqu’elle va se renseigner et si possible au-delà de la sphère francophone qui est aujourd’hui encore trop limitée je trouve.
NB de Gloria : tu peux notamment approfondir avec mes interviews d’experts américains, tels que Amy Clark, Samuel Young, MaryGrace Stewart … (si tu veux lire la version originale en anglais, il te suffira de cliquer sur le drapeau anglais à droite en haut).
.L’ERREUR À NE PAS COMMETTRE POUR UN·E SURDOUÉ·E
S’enfermer dans son faux self de peur de se retrouver seul, et une fois qu’on se découvre surdoué de tout mettre sur le dos de la douance et de s’arrêter à ça !
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PROFESSIONNELLE
Ne pas craindre de sortir des cases : tentez et n’ayez pas peur de l’échec, ce n’est qu’une expérience qui vous mènera vers une meilleure connaissance de vous-même.
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PERSONNELLE
Le même (rire)
Après je crois que l’essentiel c’est d’être aligné avec ses valeurs.
.UN LIVRE À LIRE SUR LE SUJET
Oula… des tas ! Cela dépend vers quoi on va psycho, développement perso, spiritualité, sciences… l’important c’est justement d’avoir une vision très large d’un sujet : donc ne pas hésiter à lire des ouvrages qui vont dans le sens inverse de notre pensée pour nous faire cheminer.
.MON AVIS SUR LE TEST DE QI WAIS
Cela ne reste qu’un outil : utilisé par un professionnel non formé il peut être utile (et non les psychologues ne le sont pas tous de fait, malgré ce qu’ils en disent, il est essentiel de se former en plus d’un master, à ses frais sur le sujet), sinon ça ne sert à rien (voilà pourquoi on a des personnes qui ressortent avec un profil hétérogène et aucune réponse claire : le psy n’est pas formé et ne sait pas aller au-delà du test qui est- je souligne – un logiciel à compléter). N’importe qui peut faire rentrer des scores sur un tableau et cliquer pour connaître un chiffre, si on a un besoin d’un professionnel c’est justement pour observer, analyser et interpréter le test (WAIS ou autre).
.EST CE UN GÂCHIS DE NE PAS SE SAVOIR SURDOUÉ·E ?
Je ne crois pas non, c’est assez personnel comme démarche. Certains ne ressentent pas le besoin de le savoir et ma foi pourquoi les obliger ? Vraiment, je crois qu’il n’y a aucun gâchis à ne pas savoir du moment où on trouve les réponses dont on a besoin pour avancer quelque part.
.QUAND JE CROISE UN·E AUTRE SURDOUÉ·E, JE LE RECONNAIS ? A QUOI ?
Je ne sais pas trop, je crois qu’il y a comme une vraie présence, un regard, une énergie, une hyper conscience…
.QU’EST CE QUI RASSEMBLE LES SURDOUÉ·E·S ?
L’intensité… dans ce qu’ils croient ou vivent, défendent, désirent…
.LES ÉTAPES CRUCIALES À NE PAS RATER DANS LE « PARCOURS DOUANCE » D’UN·E SURDOUÉ·E?
Le fait de passer à un moment à autre chose, il est essentiel de comprendre que la douance n’est qu’une pièce du puzzle de qui nous sommes, alors bien oui cela à un impact (quand il manque une pièce en plein milieu d’un puzzle ça se voit) mais ça ne fait pas tout.
.LA DERNIÈRE CHOSE QUE J’AI APPRISE SUR LE SUJET (QUE J’AIMERAIS PARTAGER)
Le fait que la douance ne soit pas un sujet de psychologie, mais un sujet social et anthropologique avant tout car c’est parce il y a une norme donnée qu’on se questionne sur les neuroatypies. C’est par ce qu’il y a une manière d’être/ de ne pas être et de faire / de ne pas faire, que le sujet existe. Finalement, plus où s’ouvre à la différence, moins ça semble différent (ou en tout cas plus qu’une autre différence, comme la taille, le poids, la couleur de peau, etc).
.UNE INSPIRATION D’UN AUTRE PAYS SUR LA DOUANCE
Cette multipluridisciplinarité, le fait que la douance ne soit pas cantonnée à la psychologie. Aujourd’hui, dans les pays francophones c’est les psychologues qui ont la main mise sur le sujet, mais pourquoi ? Il ne s’agit pas d’un sujet de santé mentale en soi, ça peut être indispensable pour un suivi thérapeutique, mais les coachs, les nutrionistes, les Kinés, les orthophonistes, les profs, etc. sont tout aussi concernés par une potentielle formation à ce sujet. Car eux aussi, dans leur métier ils sont amenés à accompagner ou à aider des personnes surdouées. Il est temps, pour le bien être des surdoués, que l’on ouvre la connaissance à tous les corps de métier.
.UN SOUHAIT POUR L’AVENIR
Cela rejoint tout ce que j’ai pu déjà dire, mais il est vrai que si je devais le résumer en 3 points ça serait :
- que les personnes concernées puissent faire entendre leur voix
- Qu’on arrête de faire des amalgames rudes généralités
- Qu’on puisse ouvrir le sujet au-delà de la simple lucarne psychologique
.UNE INTUITION SUR LE SUJET
Après cette explosion de visibilité, je crains que cela se referme d’un coup. C’est assez ordinaire de voir ça dans les sujets en pleine expansion, il s’en suit une période de renfermement, où on coupe la tête à ce qui dépasse…
.LA QUESTION QUI MANQUE, À LAQUELLE J’AURAIS AIMÉ RÉPONDRE SUR LE SUJET?
Je crois que pour la personne synthétique que je suis il y a assez de questions (rire).
Merci Gloria en tout cas pour ce joli travail de mise en lumière du HPI.
***ACTUALITES : je re-ouvre actuellement les portes de mon groupe de femmes HPI & hypersensibles « Sensibles & Talentueuses », creuse en cliquant ICI.***