Aujourd’hui, Camille Cocaud nous livre sa vision du Haut Potentiel Intellectuel par le biais de l’interview “Ma douance du tac au tac”. Merci Camille ! Elle est consultante pour des startups, fondatrice des Meufs du Growth + WeUkraine. Elle vit actuellement à Nantes.
.SI JE POUVAIS CHOISIR, SERAIS-JE SURDOUÉ·E?
Il y a des jours où la neurodivergence est pénible. Disons que 98% du temps oui, 2% du temps, je me dis que la neurotypie sonne comme des vacances.
.CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E POUR MOI
Je n’aime pas parler de QI, pour moi ce n’est qu’un effet du montage particulier de mon cerveau. Je préfère le décrire avec une analogie : les cerveaux humains sont comme des chaises IKEA. Tout le monde reçoit le même plan de montage, sauf 2% des gens. Ces derniers reçoivent un plan différent, qui rend leur chaise plus performante.
.SI JE DEVAIS CHOISIR UNE IMAGE OU UN MOT CLÉ QUI RÉSUME CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E
Une chaise plus performante que la moyenne
.DEPUIS COMBIEN DE TEMPS JE LE SAIS
5 ans
.PAR QUELLES PHASES JE SUIS PASSÉ·E DEPUIS LA DÉCOUVERTE
Absolument toutes les phases du deuil !
La colère – pourquoi ça m’a mis 30 ans à découvrir ça ?! C’est parce que ce monde est sexiste qu’une petite fille aussi clairement HPI n’a pas été détectée !!!
La tristesse – mon Dieu, tout ce temps à se faire du mal, 30 ans de perdus…
Le déni – Non mais cette neuropsy s’est trompée, je l’ai bien entourloupée celle-là.
… et puis l’acceptation – Ok. Bon, maintenant qu’on sait, on fait quoi ?
.COMMENT JE L’EXPLIQUE À UNE PERSONNE QUI N’EN A JAMAIS ENTENDU PARLER
Je reprends toujours cette analogie de la chaise IKEA.
.LA REMARQUE QUI M’A LE PLUS SCOTCHÉ LORSQUE J’EN AI PARLÉ
« Oui bah… on savait Cam. Même si on n’appelait pas ça « HPI », on savait » – d’absolument tous mes proches.
.EN QUOI CELA A CHANGÉ MA VIE (DE LE SAVOIR)
J’arrête de me flageller pour mes particularités. Maintenant que je sais que ça fait partie du deal, j’accepte avec le sourire mes « hpismes ». J’en ai même fait une force en choisissant une nouvelle branche professionnelle où la curiosité, l’apprentissage rapide, la compréhension des processus et la non-hiérarchie sont des avantages.
.CE QUE JE M’AUTORISE DEPUIS
Être HPI ! En tant que femme neurodivergente, je masque une très grande proportion de mes hpismes (et tdaismes, mais c’est un autre sujet !) et ça me prend une énergie mentale et physique considérable. Je ne dirais pas que j’ai arrêté de masquer, mais je m’autorise un peu plus à les laisser visibles.
.CE QUE CELA SUSCITE CHEZ LES AUTRES LORSQUE J’EN PARLE
Je n’en parle que lorsque le sujet m’est proposé, et en général, c’est d’autres neurodivergents qui ont, soit écouté les nombreux podcasts que j’ai faits pour en parler, soit qui abordent inconsciemment le sujet sans savoir qu’ils le sont. Quand je sens que la personne est sur le point de mettre le doigt sur sa propre neurodivergence et que ce sujet la titille, alors je parle de ma propre expérience et ça ne loupe jamais. J’ai aidé de nombreuses personnes à comprendre leur différence, voire à se faire détecter.
.CE QUI M’ÉNERVE DANS LA DOUANCE
Le terme HPI ou même douance. C’est hyper réducteur et élitiste. Je préfère le terme « philo-cognitif » (théorisé par Fanny Nusbaum, Dominique Sappey-Marinier, Olivier Revol) qui décrit simplement la différence de cognition sans se focaliser sur le QI.
.CE QUE J’AIMERAIS METTRE EN AVANT DE LA DOUANCE
Le fait que c’est juste une façon différente de mener des processus cognitifs. En arbre plutôt qu’en ligne droite. Oui, c’est apparemment plus efficient, mais en fait, c’est pas ça qui est important.
.CE QUI EST LE PLUS DIFFICILE PERSONNELLEMENT
Ce qui me donne (et me donnera) toujours du fil à retordre, c’est plutôt la gestion émotionnelle. En bonne HPI, je suis aussi hypersensible (et hypersensorielle), alors je suis toujours en équilibre pour apprendre à accueillir mes émotions plutôt que de les contrôler. Les laisser me dire ce qu’elles ont à dire pour ne pas les laisser m’envahir.
.CE QUE J’ADORE PERSONNELLEMENT
Maintenant que je « sais » que je réfléchis différemment, j’ai aussi appris à en tirer avantage. Je me fais plus confiance pour produire rapidement, pour être performante, pour être brillante et fière de tout ça.
.L’OUTIL OU LA PRATIQUE BIEN-ÊTRE QUI M’AIDE LE PLUS
La méditation et le yoga. J’ai toujours du mal à le faire rentrer dans mon quotidien (pas merci le TDA) mais à chaque fois que je le fais ça me fait un bien fou.
.UNE REPRÉSENTATION QUE JE VEUX BATTRE EN BRÈCHE
HPI = QI
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX SURDOUÉ·ES
Tu n’es pas seul·e.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX PERSONNES NON CONCERNÉES
La série HPI sur TF1 ne représente ABSOLUMENT pas la réalité. Mais genre même pas 1%.
.CE QUE JE RECOMMANDE À UNE PERSONNE QUI S’INTERROGE
Écoute des podcasts, lis des articles, regarde des vidéos sur le sujet… et fais-toi confiance. Si les mots de ces témoignages résonnent fortement en toi, c’est probablement qu’il y a quelque-chose.
.L’ERREUR À NE PAS COMMETTRE POUR UN·E SURDOUÉ·E
Croire que cela s’arrête à un QI plus élevé.
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PROFESSIONNELLE
Profitez de vos hpismes pour apprendre de nouvelles compétences rapidement, défricher de nouveaux terrains, avoir des intuitions lumineuses sur des systèmes complexes… faites-vous confiance.
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PERSONNELLE
Soyez patient avec vos proches neurotypiques. J’ai réalisé que j’étais très impatiente avec les autres quand ils ne comprenaient pas aussi vite que moi, et c’est très violent en fait. Maintenant que je sais, je suis plus patiente.
.UN LIVRE À LIRE SUR LE SUJET
Les Philo-cognitifs de Fanny Nusbaum, Dominique Sappey-Marinier et Olivier Revol.
.MON AVIS SUR LE TEST DE QI WAIS
C’est un outil de détection, mais qui n’est pas suffisant. On peut avoir un QI supérieur sans être HPI, une analyse comportementale est nécessaire pour compléter le diagnostic.
.EST CE UN GÂCHIS DE NE PAS SE SAVOIR SURDOUÉ·E ?
Absolument pas. Si la personne n’en souffre pas alors tant mieux.
.QUAND JE CROISE UN·E AUTRE SURDOUÉ·E, JE LE RECONNAIS ? A QUOI ?
Toujours ^^ Récemment, je me suis même rendue compte que plusieurs célébrités que j’adorais l’étaient (forcément). J’ai tendance à dire que c’est un mélange mystique et mathématique : je pense que mon cerveau reconnait un fonctionnement cognitif similaire chez l’autre et la discussion est toujours un peu… « magique ».
.QU’EST CE QUI RASSEMBLE LES SURDOUÉ·E·S ?
L’amour de la connaissance.
.LES ÉTAPES CRUCIALES À NE PAS RATER DANS LE « PARCOURS DOUANCE » D’UN·E SURDOUÉ·E?
L’acceptation.
.LA DERNIÈRE CHOSE QUE J’AI APPRISE SUR LE SUJET (QUE J’AIMERAIS PARTAGER)
C’est qu’une neurodivergence peut en cacher une autre. Moi je suis HPI et TDA (trouble de l’attention). Ça s’appelle la « double exceptionnalité ».
.UN SOUHAIT POUR L’AVENIR
Que les gens qui souffrent de leur neurodivergence s’acceptent mieux dans leur originalité.
.LA QUESTION QUI ME MANQUE, À LAQUELLE J’AURAIS AIMÉ RÉPONDRE SUR LE SUJET
Qu’est-ce que la découverte du TDA a changé dans ta compréhension de toi ?
J’ai découvert mon HPI à 30 ans, et cela m’a apporté beaucoup de paix et aussi la possibilité de me projeter dans l’avenir à nouveau. Mais quelques années plus tard, j’ai recommencé à avoir des « dissonances internes » : quelque-chose ne collait pas, je continuais de buter sur des comportements auto-destructifs, auto-sabotants et je ne les expliquais pas par le HPI…
Après 18 mois assez pénibles, où j’ai notamment travaillé avec Gloria et consulté une psychologue spécialiste des troubles cognitivo-comportementaux. Et puis j’ai trouvé ma réponse toute seule : « inconsciemment », j’avais commencé à consulter beaucoup de contenu sur le trouble de l’attention. Parce que je les « trouvais marrant »… mais qu’au fond je me voyais dedans.
Je suis arrivée chez ma psy avec cette idée un jour « je crois que je suis TDA… on fait quoi ? ». Elle m’a rapidement scannée grâce à des critères médicaux et elle m’a confirmé qu’il y avait de grandes chances que j’aie 2 neurodivergences : HPI + TDA.
De nouveau, je suis passée par toutes les couleurs du deuil, mais avec option crises de panique. Mon TDA a été beaucoup plus difficile à accepter, car il est socialement moins valorisant et qu’il est aussi quasiment invisible chez moi (c’est-à-dire que je le masque extrêmement bien).
Ce que ça a changé chez moi, c’est une acceptation encore plus radicale de ce que je suis, de qui je suis, et de ce que je peux être. Gloria m’a aidé à entendre la violence de mes propos internes sur ma personne, et savoir que j’étais TDA m’a permis de comprendre POURQUOI j’étais aussi violente.
Je n’ai jamais trouvé que la violence, la honte et l’humiliation pour « me faire faire » les choses. C’est d’ailleurs une technique très utilisée par les gens porteurs de TDA : en l’absence de dopamine disponible pour réaliser des tâches ennuyeuses, ils utilisent des procédés comme l’utilisation de la honte (« tu es vraiment une merde si tu fais pas X ») ou l’humiliation (« Ta mère aurait honte de toi parce que tu sais pas faire X »). En général, les TDA réussissent à créer de la dopamine quand l’enjeu est social. Le problème, c’est que ce sont des comportements très auto-destructeurs sur le long terme. Mais il existe d’autres techniques, qui évitent de s’auto-violenter.
NB de Gloria : pour d’autres vécus d’adultes surdoués ayant un TDA/H, lire les interviews (notamment) de Gwendoline Vessot, Anthony Gonnet Vandepoorte, Caroline Desquest.
