Aujourd’hui, Tamara Laszlo nous livre sa vision du Haut Potentiel Intellectuel par le biais de l’interview “Ma douance du tac au tac”. Merci Tamara ! Elle est Coach en Communication et Management Interculturel. Elle vit actuellement à La Haye au Pays-Bas.
.SI JE POUVAIS CHOISIR, SERAIS-JE SURDOUÉ·E?
Oui ! C’est une vie riche.
.CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E POUR MOI
Avoir des millions d’idées, s’éclater à faire des liens entre les domaines les plus inattendus, ne jamais s’ennuyer seule, penser pouvoir aider grâce à son cerveau, puis se rendre compte que des qualités d’être comme la patience, l’ouverture ou la bienveillance changent toute la donne, pour soi comme en tant qu’accompagnante !
.SI JE DEVAIS CHOISIR UNE IMAGE OU UN MOT CLÉ QUI RÉSUME CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E
Multifonctionnelle ! Et Sensible.
.DEPUIS COMBIEN DE TEMPS JE LE SAIS
Depuis un peu plus de deux ans.
.PAR QUELLES PHASES JE SUIS PASSÉ·E DEPUIS LA DÉCOUVERTE
Par la reconnaissance (enfin !) de qui j’étais, puis l’accumulation effrénée d’informations et de recherches afin de vérifier, parsemée de doutes abyssaux et de sentiment d’imposteur, puis la vérification avec une psychologue, choc et alternance entre « évidemment ! » et « non, pas possible, c’est pour les autres ». Phase dans laquelle je suis encore, mais je me pose doucement vers l’acceptation profonde du diagnostic, de la relecture de ma vie, et d’une approche renouvelée des implications.
.COMMENT JE L’EXPLIQUE À UNE PERSONNE QUI N’EN A JAMAIS ENTENDU PARLER
Je fais des liens rapidement, entre des domaines pas forcément reliés. Je pense tout le temps. J’ai du mal à filtrer les informations qui viennent de l’intérieur, de l’extérieur, etc. (tout est hyper stimulant et intéressant, et j’ai une soif d’apprendre et une fascination pour la vie, le fonctionnement des êtres, et j’aime les challenges !) ; ce qui veut dire que j’ai tendance à abuser du cerveau !
Je n’ai aussi aucun problème à admettre que je ne sais pas quelque chose : ce qui est important, c’est la curiosité, le chemin qui se déploie devant nous, ce qu’on peut créer. J’ai donc un besoin fondamental d’ancrage, de sécurité et de bien-être du corps physique, de Nature, et de relations bienveillantes– afin d’être un cadeau pour mon entourage. Et cela implique des pauses, sinon c’est le côté hypersensible qui ressort ; mais ça aussi, ça se « gère » !
J’ai besoin d’espoir, de donner du sens à tout, de tout relier – de tou·te·s nous relier ; qu’on se rappelle qu’on est un tout cohérent, fluide – avec des expressions différentes.
.LA REMARQUE QUI M’A LE PLUS SCOTCHÉ LORSQUE J’EN AI PARLÉ
Ben oui (d’un côté) ; remise en question de tout ce que je disais (de l’autre côté). Ça dépend à qui on en parle, et ce que ça remet (ou non) en question chez eux !
.EN QUOI CELA A CHANGÉ MA VIE (DE LE SAVOIR)
Je m’accepte davantage. J’ai compris qu’au lieu de lutter toute ma vie contre ce que je suis, pour enfin être « normale », intégrée et acceptée, je peux plutôt me rendre heureuse !!! Et trouver plutôt comment fonctionner avec cette sensibilité à tout (informations, sensations, émotions, énergies) : priorités (je dis à ma fille : « le corps, d’abord ! » car la qualité de nos sensations physiques va influencer la qualité de nos pensées, leur profondeur), bien-être physique et émotionnel, limites paisibles, etc.
.CE QUE JE M’AUTORISE DEPUIS
À me reposer, à dire « non, merci », à me comprendre lorsque les autres sont trop stressés pour trouver l’explication bienveillante, à mettre des limites parce que je me valorise plus qu’avant, à faire tout un travail du corps afin de contourner mon mental qui est « trop » fort pour le travail émotionnel – essentiellement.
.CE QUE CELA SUSCITE CHEZ LES AUTRES LORSQUE J’EN PARLE
Chez beaucoup, de l’incompréhension ; ou alors, des « oui, ça fait ça à tout le monde ». Alors, je n’en parle pas, ou peu. Je préfère l’appréciation profonde du regard et de l’être tout entier quand on comprend qu’on est sur « la même longueur d’onde » : qu’on a le même fonctionnement de base. Ça me donne le sentiment d’être enfin comprise, et de pouvoir valoriser quelque chose qui n’est pas forcément visible, et qui est beau – de l’ordre de la dignité de l’être.
.CE QUI M’ÉNERVE DANS LA DOUANCE
Rien, je pense : j’ai beaucoup d’appréciation pour cette sensibilité, cette soif d’apprendre.
.CE QUE J’AIMERAIS METTRE EN AVANT DE LA DOUANCE
Pour manipuler, il suffit de réduire le champ des informations présentées. Les HPs sont pour moi des « chercheurs » (au sens large) qui aiment trouver et apprendre, qui aiment connecter les informations entre elles, élargir, ou approfondir les informations à prendre en compte, et c’est important pour nos sociétés.
.CE QUI EST LE PLUS DIFFICILE PERSONNELLEMENT
Arriver à dire « stop ». Reposer mon cerveau !
.CE QUE J’ADORE PERSONNELLEMENT
C’est comme si j’étais témoin, d’une façon diffuse, des milliards de connexions neuronales possibles, et en développement, de la structure architecturale mentale collective…
.L’OUTIL OU LA PRATIQUE BIEN-ÊTRE QUI M’AIDE LE PLUS
La danse consciente : les pratiques comme l’Open Floor (celle où je me forme), les 5 Rythmes, la Danse Ecstatique, la Biodanza, etc. – tout ce qui permet de suivre l’énergie dans le corps en mouvement, et de digérer tout l’émotionnel. Et à ce vécu corporel, émotionnel et énergétique, il faut rajouter les relations bienveillantes qui se développent dans ces communautés.
.UNE REPRÉSENTATION QUE JE VEUX BATTRE EN BRÈCHE
Que les HPIs sont arrogants. Je n’ai rencontré que des gens très sensibles, tout à l’opposé de cette image, avec des intentions souvent peu comprises par eux-mêmes, ou par les autres. Et quand ces intentions sont alignées, ce sont des météores.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX SURDOUÉ·ES
Qu’ils ne sont pas seul·e·s, qu’ils/elles ont le droit d’exister tel·le.s qu’il/elles sont, et que leur fonctionnement mérite seulement un soutien compréhensif et informé. Et que le monde a besoin d’eux et de leur fonctionnement atypique.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX PERSONNES NON CONCERNÉES
Qu’il ne faut pas avoir peur des personnes concernées ; mais que la bienveillance, l’inclusion et la curiosité, l’acceptation des modes différents de pensée, et de façons d’être dans le monde, peut demander un effort d’ouverture ; effort qui sera largement repayé !
Les modes différents de pensée incluent le spectre de la neuro-divergence, mais j’aimerais aussi qu’on intègre les différentes façons d’être dans le monde. On peut être plus connecté à la terre et au corps, aux émotions, ou avoir un point d’ancrage plus spirituel, analytique et matériel, etc.
J’ai l’impression que la sur-valorisation du mental et de l’analytique (et la valorisation financière et sociétale qui va avec), à l’exclusion de la circulation avec tout le reste (le corps, le coeur, les autres, l’énergie, la divinité, la planète, les animaux, les plantes, les ancêtres, etc.), a coupé une grande partie d’entre nous (moi y compris !) d’une vie plus complète et plus saine.
Il s’agit de revaloriser la sensibilité, la nature, la finesse du lien avec soi-même et avec son environnement, le silence et la solitude, l’inaction et la façon très personnelle que l’on peut avoir de vivre les grandes valeurs.
.CE QUE JE RECOMMANDE À UNE PERSONNE QUI S’INTERROGE
Quand on se pose des questions, je recommande de faire ses recherches, puis chercher un professionnel compétent. Ça peut avoir un impact sur les opportunités qu’on s’autorise et qu’on se donne (penser à l’impact cumulatif sur le reste de votre vie !).
.L’ERREUR À NE PAS COMMETTRE POUR UN·E SURDOUÉ·E
Chercher l’approbation de n’importe qui.
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PROFESSIONNELLE
Faire confiance à son instinct, beaucoup plus qu’à n’importe quoi d’autre. Cette intuition est la synthèse de tout ce qu’on a ressenti, vu, lu. Si on est dans un état de joie paisible, cette communication interne est la boussole la plus précise que vous ayez. Tout est dans l’art d’arriver au bon état d’esprit – et c’est là que se portent mes efforts, en ce qui me concerne. Le reste (l’apprentissage, la recherche, les opportunités, les connexions, se feront – et rapidement).
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PERSONNELLE
Acquérir une compréhension des différents niveaux qui se jouent pour les femmes à haut potentiel intellectuel permet de déculpabiliser par rapport à beaucoup d’attentes sociétales inadaptées à leur fonctionnement. Trouver sa liberté de ton !
.UN LIVRE À LIRE SUR LE SUJET
Sur le haut potentiel en général, j’aime bien le livre que Fabrice Micheau recommandait : La désintégration positive de Dabrowski (qui permet de comprendre par le détail ce qui se passe lors des grands cycles de vie, et qui donne des clés essentielles pour un HP sur le sens).
Concernant les ressources physiques et émotionnelles que les femmes peuvent utiliser, j’aime beaucoup le travail de Kristin Neff, qui a écrit Fierce Self-Compassion, avec beaucoup d’exercices. En français, on peut trouver S’aimer, mais je ne l’ai pas lu.
PS : l’interview de Fabrice Micheau est à découvrir ICI. Pour comprendre ce qu’est la désintégration positive, lire mon glossaire dédié à la douance ICI.
.MON AVIS SUR LE TEST DE QI WAIS
Il faudrait prendre en compte le fait que le stress (chronique ou non) affecte le QI, qu’il y a différents types d’intelligence, et qu’on a besoin de tout le monde. Dans un monde idéal, j’aimerais qu’on valorise les différents types d’intelligence, et qu’on leur donne la place de s’exprimer, et qu’on essaie d’étendre son vocabulaire.
.EST CE UN GÂCHIS DE NE PAS SE SAVOIR SURDOUÉ·E ?
Pour moi, ça l’était ; je portais une honte de ma différence, de mon « trop », qui n’a pas lieu d’être. Je peux m’adapter, éventuellement, mais c’est dommage d’avoir honte de quelque chose qui est porteur de tellement de bonnes choses.
.QUAND JE CROISE UN·E AUTRE SURDOUÉ·E, JE LE RECONNAIS ? A QUOI ?
Les yeux qui brillent, la cohérence du corps, des pensées et de l’état émotionnel : c’est la profondeur et l’alignement de l’être tout entier qui me frappe.
.QU’EST CE QUI RASSEMBLE LES SURDOUÉ·E·S ?
Un cœur sensible, je crois. De l’empathie. Et une curiosité sans fin, une soif d’apprendre ! Une finesse, aussi.
.LES ÉTAPES CRUCIALES À NE PAS RATER DANS LE « PARCOURS DOUANCE » D’UN·E SURDOUÉ·E?
Vérifier, vérifier encore. Pour les bilans, il faut un professionnel qui sache les lire, et qu’il y ait une communication possible. Après, trouver un accompagnement, au moins au début. Il y a beaucoup à déconstruire, surtout en tant que femme. Se donner le temps de la transition, avec toutes ses étapes (voir la courbe du changement d’Elizabeth Kübler-Ross, avec les émotions du changement, dont le choc initial, le déni, la frustration, et la tristesse – avant de passer à l’exploration, à l’acceptation et à l’engagement d’un nouvel équilibre).
.LA DERNIÈRE CHOSE QUE J’AI APPRISE SUR LE SUJET (QUE J’AIMERAIS PARTAGER)
Qu’en tant que HP, on peut se lasser vite lorsque l’on connaît ! (puisque l’on veut apprendre, et vite !). Ne pas se juger lorsqu’on veut déjà passer à autre chose, mais chercher soit à aller en profondeur (dans une autre dimension, qui redonne de la profondeur : ralentir, ressentir, par exemple) ; soit s’autoriser pleinement à changer de direction, et être en paix avec l’abandon de ce qui avait été commencé.
.UNE INSPIRATION D’UN AUTRE PAYS SUR LA DOUANCE
J’aime bien le travail d’Andrew Huberman en général, un neuroscientifique américain – et notamment ses incursions dans autour du TDA/H : j’ai compris grâce à lui que je pouvais tirer parti de ma vitesse et changer d’activité très, très rapidement, même si je venais juste de commencer, afin de toucher mon besoin du moment au plus juste.
Par exemple, si j’ai une émotion qui demande une musique pour la décharger, et qu’en 3 secondes, je n’en ai plus besoin et qu’il me faut un autre morceau pour une autre émotion, et qu’en 2 secondes, c’est bon, je passe à la musique qu’il me faut pour travailler sans remords. Je vais vite émotionnellement et mentalement, ma vie s’adapte. J’ai laissé tomber la persévérance à tout prix. La clé est de rester au plus proche de mes besoins et de mon intention, minute après minute. La persévérance, elle est dans le fait de revenir à ce qui est important. J’oublie, puis j’y reviens. Je crois que c’est le travail de toute une vie.
.UN SOUHAIT POUR L’AVENIR
Qu’on reconnaisse le rôle du système nerveux dans la capacité à accéder à l’information. Et que celui-ci est influencé par les conditions politiques, sociales et relationnelles, ainsi que par les traumas intergénérationnels, et qu’on favorise le bien-être de chaque personne, pour des sociétés saines et intelligentes.
.UNE INTUITION SUR LE SUJET
Quand la compassion s’invitera définitivement dans le débat, on intègrera les différents types de fonctionnement tout naturellement (comme le HPI, l’autisme, le TdAH, mais aussi les différences culturelles…). Et ça passe par la compassion de nos propres limites, notre fonctionnement, notre héritage. Alors, on pourra vraiment changer, évoluer.
.LA QUESTION QUI MANQUE, À LAQUELLE J’AURAIS AIMÉ RÉPONDRE SUR LE SUJET?
Pourquoi le monde du haut potentiel est-il relativement homogène ?
Je crois que l’intelligence telle que le WAIS la conçoit n’est qu’une toute petite partie de ce qui est important pour être heureux ensemble dans ce monde ouvert à tant de couleurs et de dimensionnalités.
Le mental, c’est fantastique, mais quand on lui donne une exclusivité des droits, ça se passe plutôt mal, pour soi ou pour les autres ! On a besoin de prendre en compte davantage de sources d’informations, et davantage de types d’information, et de les intégrer entre elles : cognitif, émotionnel, physique et métaphysique.
À mon sens, le travail est dans l’affinement de qui on est puis l’expression dans un cadre et avec des facilitateurs bienveillants, qui savent appréhender ce qui se passe tout au fond, et le transformer afin que chacun puisse communiquer au monde le cadeau de qui il·elle est vraiment.