Aujourd’hui, Kaitlin Smith nous livre sa vision du Haut Potentiel Intellectuel par le biais de l’interview “Ma douance du tac au tac”. Merci Kaitlin! Elle est fondatrice de Our Wild Minds et doctorante en Histoire des Sciences à Harvard. Elle vit actuellement à Somerville, dans le Massachussets.
.SI JE POUVAIS CHOISIR, SERAIS-JE SURDOUÉ·E?
Je choisirais sans aucun doute d’être surdouée parce que, sinon, je serais une personne fondamentalement différente dans pratiquement tous les domaines et je considère ma vie comme un cadeau !
.CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E POUR MOI
Déborder de vie (sauvage) !
.SI JE DEVAIS CHOISIR UNE IMAGE OU UN MOT CLÉ QUI RÉSUME CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E
Un corps humain plein de vie.
.DEPUIS COMBIEN DE TEMPS JE LE SAIS
Je crois que j’ai été initiée au concept de douance à l’école primaire, à l’époque où j’ai été “accélérée”, où j’ai passé des tests et où j’ai intégré le programme spécifique pour enfants surdoués.
NB de Gloria: L’accélération aux USA signifie avoir accès au contenu du programme scolaire plus tôt ou à un rythme plus rapide.
.PAR QUELLES PHASES JE SUIS PASSÉ·E DEPUIS LA DÉCOUVERTE
Comme que j’ai bénéficié d’un programme accéléré, que j’ai été identifiée comme surdouée et que j’ai été retirée de ma classe à l’école publique pour participer au programme spécifique pour enfants surdoués j’ai constaté que j’étais davantage la cible de harcèlement qu’avant, bien qu’il soit difficile d’identifier si c’était pour cela ou d’autres facteurs sociaux liés à ma situation. Je n’ai commencé à penser sérieusement à la douance qu’au milieu de ma vingtaine, lorsque j’ai été confrontée à une résistance explicite de la part de plusieurs personnes pour le simple fait d’être moi-même (par exemple, j’ai été jugée « trop intellectuelle » par beaucoup de mes collègues dans le domaine de la santé mentale, trop « bizarre » intellectuellement pour beaucoup de personnes supposées intellectuelles dans le monde universitaire, et trop existentiel / généralement intense pour nombre de mes proches). Diverses situations difficiles liées à ces thématiques m’ont incitées à chercher des réponses, d’abord comme une quête personnelle, puis comme une composante de ma mission professionnelle au sens plus large.
.COMMENT JE L’EXPLIQUE À UNE PERSONNE QUI N’EN A JAMAIS ENTENDU PARLER
Pour décrire la douance, j’ai tendance à m’appuyer fortement sur la définition de Mary-Elaine Jacobsen, qui met l’accent sur la présence de niveaux atypiques d’intensité, de complexité et de fonctionnement dans divers domaines de l’intelligence, y compris les intelligences multiples d’Howard Gardner.
.EN QUOI CELA A CHANGÉ MA VIE (DE LE SAVOIR)
Lorsque j’ai retrouvé ce concept à l’âge adulte, il m’a permis de cesser d’essayer de tirer satisfaction de situations professionnelles, de relations et de façons de me comprendre et d’évoluer qui étaient voués à l’échec parce que cela impliquerait le déni de plusieurs vérités fondamentales me concernant. En m’affranchissant de tout cela, j’ai libéré des quantités incalculables d’énergie, qui n’ont fait qu’augmenter et continuent de le faire au fur et à mesure de mon parcours d’alignement de ma vie avec cette réalisation.
.CE QUI M’ÉNERVE DANS LA DOUANCE
Les connotations négatives associées au concept de douance qui semblent souvent limiter les discussions productives sur la diversité des aspects de ce phénomène.
.CE QUE J’AIMERAIS METTRE EN AVANT DE LA DOUANCE
La douance peut être conceptualisée comme une forme de neurodivergence qui donne lieu à des besoins, des défis et des opportunités spécifiques au niveau de l’individu. Cela permet d’aller à l’encontre de l’idée erronée selon laquelle lorsque quelqu’un parle de douance, la seule façon de la comprendre est d’affirmer une supériorité plutôt qu’un besoin. Les définitions de la douance qui décentrent l’expérience académique en faveur d’une vision plus holistique du fonctionnement aident à mettre en avant cette expérience multidimensionnelle qui englobe les difficultés et les forces au niveau de l’individu et de la population.
.CE QUI EST LE PLUS DIFFICILE PERSONNELLEMENT
Le fait de devoir travailler avec les ressources et le soutien dont je disposais pour concevoir une structure professionnelle propice à l’authenticité, au respect et à l’épanouissement sans disposer d’une compréhension claire de moi-même a été une véritable épreuve pendant de nombreuses années et reste un élément en cours d’apprentissage.
.CE QUE J’ADORE PERSONNELLEMENT
Je ne crois pas m’être déjà ennuyée lorsque j’étais seule. Je suis toujours étonnée de rencontrer des gens qui se plaignent de s’ennuyer et d’avoir besoin d’autres personnes ou de médias pour se divertir. Par conséquent, l’une des choses que j’aime est la source de curiosité qui me permet de rester consciemment connectée au monde ainsi qu’à une vie intérieure riche.
.L’OUTIL OU LA PRATIQUE BIEN-ÊTRE QUI M’AIDE LE PLUS
Adhérer à un régime alimentaire très spécifique qui réduit l’inflammation dans mon corps sans céder à la pression sociale. Limiter sévèrement les sucres et les glucides m’a particulièrement utile et a eu un impact quasi instantané, améliorant de manière significative mon état émotionnel de base et ma capacité à prendre des mesures importantes pour atteindre mes objectifs. L’une de mes devises en matière d’alimentation est « il n’y a rien de plus savoureux que de se sentir bien ».
.UNE REPRÉSENTATION QUE JE VEUX BATTRE EN BRÈCHE
Il y a toute une série de sujets qui me tiennent à cœur et qui sont liés à la convergence du fait d’être noir et de la douance. L’un de ces sujets est la sous-identification des personnes noires surdouées aux États-Unis, par exemple. Un autre est le contexte raciste et eugéniste dans lequel les tests de QI sont apparus dans notre pays et continuent d’être utilisés (voir la référence à S. J. Gould ci-dessous pour plus d’informations). Dans une société où le fait d’être noir a été érigé en antithèse du génie, il peut être très difficile pour une personne noire surdouée d’exister sans susciter la perplexité, l’incrédulité, le « gaslighting » et toute une série d’autres réactions qui imprègnent l’expérience de leur douance d’un traumatisme. Cette dynamique engendre non seulement d’immenses difficultés pour la personne noire surdouée avec la majorité neurotypique, mais également avec leurs pairs surdoués, en particulier lorsque les individus qu’ils rencontrent ne se sont pas engagés dans un processus rigoureux de désapprentissage du racisme. Le livre d’Ibram X. Kendi, Comment devenir Antiraciste (How to be an Antiracist), offre un point de départ très intéressant pour tous ceux qui souhaitent explorer le sujet.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX SURDOUÉ·ES
- Si vous êtes encore ici (dans ce corps), il n’est jamais trop tard pour prendre des mesures en vue d’une plus grande authenticité et d’une expression plus ample de vos dons.
- Ce n’est pas possible de faire en sorte que chaque personne sur Terre vous comprenne. Qu’est-ce qui compte vraiment pour vous
- Vous êtes le décisionnaire final de votre parcours intérieur.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX PERSONNES NON CONCERNÉES
Si vous vous sentez concerné par le concept de la douance mais que vous n’accordez pas d’importance à son impact sur votre vie, félicitations et n’hésitez pas à revenir ici si cela change ! Si vous ne considérez pas que la douance a joué un rôle direct dans votre vie, réfléchissez à la manière dont vous pourriez mettre ces idées en pratique dans vos sphères d’influence (travail, famille, etc.) pour soutenir quelqu’un qui pourrait bénéficier d’une oreille empathique.
.CE QUE JE RECOMMANDE À UNE PERSONNE QUI S’INTERROGE
Lisez quelques livres, entrez en contact avec un coach et/ou une communauté en ligne pour les personnes surdouées, prenez ce qui vous semble utile et ne vous encombrez pas du reste.
.UN LIVRE À LIRE SUR LE SUJET
J’ai particulièrement apprécié The Gifted Adult de Mary-Elaine Jacobsen ainsi que Your Rainforest Mind de Paula Prober.
.MON AVIS SUR LE TEST DE QI WAIS
Je pense que les tests de QI, notamment WAIS, sont potentiellement utiles pour quantifier certaines capacités, mais que l’intelligence est bien plus vaste et complexe que ce que ces évaluations peuvent mesurer (d’où des approches telles que la Théorie des Intelligences Multiples d’Howard Gardner). Aussi, l’utilisation des tests de QI pour alimenter des idéologies oppressives est un problème de longue date que le paléontologue, biologiste évolutionniste et Historien des Sciences Stephen Jay Gould a abordé dans son livre historique The Mismeasure of Man (La Mal-Mesure de l’Homme). Bien que ce livre ait été publié pour la première fois en 1981, il constitue toujours un outil précieux pour les lecteurs d’aujourd’hui sur ce sujet important.
.EST CE UN GÂCHIS DE NE PAS SE SAVOIR SURDOUÉ·E ?
Tout d’abord, je ne suis pas du tout d’accord avec l’idée que la vie d’une personne (y compris celle d’un surdoué) puisse être un gâchis. Je pense que si une personne surdouée est capable de vivre sans aucune difficulté apparente liée à sa douance, elle a énormément de chance. Ne pas savoir que l’on est surdoué et s’efforcer d’accepter (et de résoudre) certains des facteurs sous-jacents de la détresse récurrente liée à la douance peut rendre la vie beaucoup plus difficile et moins épanouie que si l’on disposait de cette information. Il convient toutefois de noter qu’il existe de nombreux contextes sociaux dans lesquels il est beaucoup plus difficile de concilier la douance avec les moyens d’expression sociale/professionnelle disponibles. Ainsi, si le fait de savoir que l’on est doué peut être utile dans un tel cas pour soutenir son expérience intérieure, il existe une foule d’autres facteurs qui influencent la capacité d’une personne à vivre de manière authentique et épanouie et qui peuvent ne pas être résolus en découvrant sa douance (et cette juxtaposition pourrait même inviter à une dépression plus profonde si quelqu’un considère sa situation comme immuable).
Si nous considérons l’individu de l’extérieur, cependant, je n’aime pas l’implication selon laquelle il est du devoir de la personne surdouée, en particulier une fois identifiée, d’apporter des contributions d’une certaine ampleur afin d’éviter de « gaspiller » ses dons. Je pense que les personnes surdouées doivent avant tout répondre à leurs propres besoins, et que de laisser une « trace dans le monde » très marquée n’a pas nécessairement à être leur priorité. Pour de nombreuses personnes (y compris les personnes surdouées), le simple fait de survivre aux difficultés qu’elles rencontrent au cours de leur vie peut être un exploit extraordinaire, et le fait de progresser discrètement de son côté peut être une révolution tranquille d’une grande signification.
.QUAND JE CROISE UN·E AUTRE SURDOUÉ·E, JE LE RECONNAIS ? A QUOI ?
Je trouve cette question un peu difficile parce que les manifestations de la douance sont très diverses, mais les personnes surdouées qui ont tendance à être reconnues de manière plus immédiate sont des personnes qui communiquent d’une manière qui transmet une certaine profondeur à la fois de pensée, de ressentis et de sensibilité morale et qui semblent passionnés par la vie.
.UN SOUHAIT POUR L’AVENIR
Vivre dans un monde où tous les êtres reçoivent le soutien et le respect nécessaires pour exprimer leur conscience d’une manière qui ait du sens pour eux.
.LA QUESTION QUI MANQUE, À LAQUELLE J’AURAIS AIMÉ RÉPONDRE SUR LE SUJET?
Des personnes surdouées qui vous inspirent ?
R : Terrence Malick, Bill T. Jones, David Abram, Bayo Akomolafe, Sophie Strand, Jack Halberstam, Kevin Quashie, Donna Haraway.
