Aujourd’hui, Cécile Bost nous livre sa vision du Haut Potentiel Intellectuel par le biais du questionnaire Ma douance du tac au tac et prolonge ainsi ma nouvelle série pour partager sur le HPI. Merci Cécile ! Elle est auteur, bloggeuse, conférencière et pair-chercheur. Elle vit actuellement à Marseille.
NB: l’interview fut réalisé en mars 2020. Fin mars 2021 Cécile Bost nous a quitté. Elle a réalisé un travail magnifique pour accompagner les haut potentiel dans leur cheminement. Profite de cette belle interview !
.SI JE POUVAIS CHOISIR, SERAIS-JE SURDOUÉ.E?
Oui, « bien sûr »…. A condition d’avoir le mode d’emploi.
.CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ.E POUR MOI
L’intensité de ressenti qui permet de comprendre finement certaines situations. Le plaisir d’apprendre, la curiosité permanente (pour les gens, les choses, tout nouveau savoir)
.SI JE DEVAIS CHOISIR UNE IMAGE OU UN MOT CLÉ QUI RÉSUME CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ.E
Un guépard. Félin sans griffes rétractiles, l’animal le plus rapide du monde à condition qu’il soit en liberté… mais qui ne peut courir sur une longue distance. Un être paradoxal.
.DEPUIS COMBIEN DE TEMPS JE LE SAIS
17 ans. Mais « à l’époque » il n’y avait pas de mode d’emploi pour les adultes surdoués.
.PAR QUELLES PHASES JE SUIS PASSÉ DEPUIS LA DÉCOUVERTE
Quand j’ai appris que j’étais surdouée, je me suis fait la réflexion que je comprenais mieux pourquoi j’avais un faible pour les minorités et l’idée m’a effleurée de mettre mes compétences au service de cette minorité que je découvrais. J’ai cherché à comprendre le mécanisme, alors qu’il n’y avait aucune information sur le sujet. D’où mes recherches et mes livres. Il n’y a jamais eu de « Ha ha moment », de révélation. L’expression du surdon est fonction de la construction identitaire. C’est donc tout un processus de réflexion approfondie (et guidée autant que faire se peut).
.COMMENT JE L’EXPLIQUE À UNE PERSONNE QUI N’EN A JAMAIS ENTENDU PARLER
Il n’y a pas de surdon, il n’y a que des preuves de surdon. Très souvent, je mets en avant le mot « trop » (ou « pas assez ») en donnant quelques exemples concrets de la vie quotidienne. Et puis j’explique la structuration du cerveau, vraiment différente, et ce à quoi ça conduit.
.LA REMARQUE QUI M’A LE PLUS SCOTCHÉE LORSQUE J’EN AI PARLÉ
RAS
.EN QUOI CELA A CHANGÉ MA VIE (DE LE SAVOIR)
Mieux comprendre mon intensité, mon exigence. Comprendre l’écart pour reprendre les termes de Carlos Tinoco. Quand on comprend l’écart, on trouve des stratégies pour se préserver. Il est plus facile de faire « avec » que « malgré »
.CE QUE JE M’AUTORISE DEPUIS
S’autoriser n’a rien à voir avec le surdon. S’autoriser relève des « croyances » – on peut être surdoué, le savoir, et ne rien s’autoriser pour autant.
Cela dit, me savoir surdouée m’a facilité la reprise d’études sur un sujet qui n’est pas du tout dans ma zone habituelle de confort : je me suis dit que je devais pouvoir y arriver – je connaissais mes points de force et de faiblesse (Master recherche en santé Publique obtenu en 2019) et ceci m’a aussi facilité de devenir pair-chercheur (personne issue d’un groupe étudié qui travaille en coopération avec les chercheurs académiques : le « savoir expérientiel » est ainsi reconnu et permet de travailler non pas sur un groupe, mais avec un groupe).
.CE QUE CELA SUSCITE CHEZ LES AUTRES LORSQUE J’EN PARLE
Pourquoi en parler absolument ? Etre surdoué relève de l’intime. Sauf si on pressent que l’interlocuteur peut être ouvert, sensible (voire concerné). Pour ma part, je peux en parler plus facilement, compte tenu de mes recherches car je développe toutes les facettes scientifiques sur l’organisation et le fonctionnement du cerveau avant de parler de quoi que ce soit d’autre. Mais ça ne gomme pas pour autant des décennies de croyances collectives sur le sujet.
.CE QUI M’ÉNERVE DANS LA DOUANCE
Présenter la douance comme un handicap. Le seul surdon n’est et ne fait pas tout. La construction identitaire est déterminante. Il existe des surdoués heureux et très bien insérés, même à des postes élevés dans différentes hiérarchies.
.CE QUE J’AIMERAIS METTRE EN AVANT DE LA DOUANCE
La capacité à comprendre le complexe. Dans un monde VUCA (Volatility, Uncertainty (incertitude), Complexity and Ambiguity) c’est un atout.
.CE QUI EST LE PLUS DIFFICILE PERSONNELLEMENT
Garder en tête l’écart.
.CE QUE J’ADORE PERSONNELLEMENT
L’intensité des belles images que je peux capter. Des moments « arrêt sur image » de quelques secondes mais qui me nourrissent longtemps.
.MES STRATÉGIES DE SURVIE ET DE REBOND
Prendre du temps au calme pour me régénérer. Penser positif. Je ne suis pas seule.
.UNE REPRÉSENTATION QUE JE VEUX BATTRE EN BRÈCHE
Le pauvre surdoué malheureux que personne n’aime.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX SURDOUÉ.E.S
Chacun porte sa part de responsabilité dans le dialogue avec l’autre. Le vivre ensemble demande des efforts permanents, mais c’est à ce prix-là qu’une société s’enrichit…. Et c’est vrai que ça peut être un peu plus compliqué quand on est en minorité.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX PERSONNES NON CONCERNÉES
La même chose que ce que je dirais à un(e) surdoué(e)
.CE QUE JE RECOMMANDE À UNE PERSONNE QUI S’INTERROGE
Lire ! Se documenter avec des documents de référence et non pas se contenter de textes prémâchés qu’on lit en 5 minutes maximum. C’est la raison pour laquelle j’ai créé Talent Différent : mettre à disposition des communications scientifiques dont j’assure la traduction de certains passages pour ceux qui ne sont pas familiers avec l’anglais. Comprendre ce que signifie être surdoué est complexe. Il faut prendre le temps
.L’ERREUR À NE PAS COMMETTRE POUR UN.E SURDOUÉ.E
Oublier l’écart.
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PROFESSIONNELLE
« Penser l’écart » (tempo, niveau d’exigence, intensité, conformisme cognitif). C’est ce que j’explique dans mon deuxième ouvrage « Surdoués : s’intégrer et s’épanouir dans le monde du travail » (Vuibert 2016)
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PERSONNELLE
Se rappeler que le cerveau n’est pas déconnecté du corps : préserver le corps. Savoir se reposer, décompresser… ce qui n’est pas toujours du goût du cerveau !
.UN LIVRE À LIRE SUR LE SUJET
« Les « surdoués » et les autres – Penser l’écart » co-écrit par Carlos Tinoco, Sandrine Gianola et Philippe Blasco. Il aide à comprendre l’environnement social (dont le conformisme cognitif) et donc penser l’écart, soit, trouver des stratégies pour mieux évoluer.
.MON AVIS SUR LE TEST DE QI WAIS
O combien limité ! Par exemple, une dépression peut faire chuter un QI de 15 points. De même, les handicaps ne sont pas pris en compte. Le pire c’est quand il y a hétérogénéité et qu’on ne peut pas « moyenner » de QI (certains thérapeutes le font pourtant, en négligeant la déontologie). Donc un test, c’est pas mal, mais à condition d’être passé avec quelqu’un qui sait vraiment de quoi il/elle parle (« Dommage que vous soyez dépressif sinon vous auriez été surdoué » – propos d’un thérapeute qui m’a été rapporté par un de mes lecteurs….).
.EST CE UN GÂCHIS DE NE PAS SE SAVOIR SURDOUÉ.E ?
Quand il y a quelque chose qui ne va pas dans votre vie, oui. Parfois, se savoir surdoué, c’est comme la pièce du puzzle qui révèle toute l’image. Mais je le répète : l’expression du surdon est intimement liée à la construction identitaire.
.QUAND JE CROISE UN.E AUTRE SURDOUÉ.E, JE LE RECONNAIS ? A QUOI ?
C’est fou comme, parfois, en moins de 5 minutes, on est en train de discuter sur des sujets de l’ordre de l’intime (des idées qu’on n’arrive pas à partager, des savoirs….) avec quelqu’un qu’on ne connaissait pas avant. Ca ça peut être un signe. Attention cependant aux manipulateurs.
.QU’EST CE QUI RASSEMBLE LES SURDOUÉ.E.S ?
Aucune idée. On met en général les surdoués dans le même sac, en oubliant que chacun a sa personnalité. En oubliant aussi qu’un hautement / profondément surdoué (145/150 et plus, si on accepte que le test vaut quelque chose, et pour donner un repère) aura autant de mal à se connecter avec un surdoué à 130 que ce dernier aura du mal à se connecter avec quelqu’un d’intelligence normale (100). Il est en général admis que vous avez du mal à vous faire comprendre de gens qui ont plus ou moins 20 points de QI avec vous (cf. Leta S. Hollingworth tout particulièrement, qui a travaillé sur le sujet du très haut potentiel).
. LES ÉTAPES CRUCIALES À NE PAS RATER DANS LE « PARCOURS DOUANCE » D’UN.E SURDOUÉ.E?
L’acceptation et la compréhension en relisant sa vie en particulier à la lumière de l’histoire traumatique (Exemple : le harcèlement dans l’enfance fait le lit du harcèlement en entreprise)
.LA DERNIÈRE CHOSE QUE J’AI APPRISE SUR LE SUJET
C’est quelque chose que je sais depuis longtemps et sur lequel il me semble important d’insister : le lien vraisemblable entre surdon et maladies auto immunes (théorie posée dès 1982 – une étude a été effectuée aux Etats Unis en 2017 dont les conclusions vont dans le même sens – mais pour l’instant, on ne s’intéresse au surdon que sous l’angle de la psychologie, et pas assez de la psychiatrie (certaines pathologies n’en sont pas, ce sont « juste » des intensités qui sortent de la norme – l’expression de la dépression n’est pas la même (étude en cours sur le sujet dans le service du Pr Lançon – AP-H Marseille)), voire de l’endocrinologie.
.UNE INSPIRATION DOUANCE D’UN AUTRE PAYS
James Webb et al – tout un épais livre qui traite des erreurs de diagnostics et des doubles diagnostics sur le surdon.
.UN SOUHAIT POUR L’AVENIR
Faire progresser le vivre ensemble par une meilleure connaissance du sujet. Christian Charlier via My Gifted Network / Airbus fait un travail remarquable sur le sujet.
.UNE INTUITION SUR LE SUJET
Il va bientôt exister des restaurants spécial surdoués (ce qui me rendrait très perplexe à vrai dire).
.LA QUESTION QUI MANQUE, À LAQUELLE J’AURAIS AIMÉ RÉPONDRE SUR LE SUJET?
J’ai ajouté mes commentaires quand je le pensais nécessaire ☺
